Ouvriers dans la société française . XIXe-XXe siècle (Les) by Gérard Noiriel

Ouvriers dans la société française . XIXe-XXe siècle (Les) by Gérard Noiriel

Auteur:Gérard Noiriel
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Points
Publié: 2016-06-14T16:00:00+00:00


UN MOUVEMENT OUVRIER TRÈS AFFAIBLI PAR LA GUERRE

La mobilisation ouvrière décrite dans le chapitre 3, si elle atteint son paroxysme dans les premières années du siècle, n’en reste pas moins très vigoureuse jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. En effet, en dépit du déracinement, de l’hétérogénéité du personnel, de l’étroite surveillance policière, la combativité du personnel travaillant dans les usines d’armement est impressionnante. A la poudrerie de Bergerac par exemple, sont rassemblés plus de 11 000 ouvriers de toutes origines : 4 822 « mobilisés », 708 civils, environ 3 000 femmes, 2 000 « coloniaux » (Nord-Africains, Indochinois et Chinois) et 326 prisonniers. En 1917, le syndicat compte pourtant plus de 4 300 adhérents ! Un peu partout, les militants de la CGT favorables à l’Union sacrée sont débordés par les révolutionnaires. En dépit des prises de position de Merrheim, la propagande pacifiste prend de l’ampleur. Dans la région parisienne, on compte en 1917 plus de 42 000 grévistes, dont 90 % de femmes. De même à Bordeaux, le préfet estime que « le mot de révolution est dans toutes les bouches. L’on en parle dans tous les milieux comme d’une chose fatale ». Dans le Gard, de nouvelles grèves éclatent en juin 1918, en pleine offensive allemande. Et même dans les Vosges, au cœur de la Lorraine « patriotique », les premiers arrêts de travail se produisent dès 1916 ; les grèves reprennent en mai-juin 1917. En 1918, nombre d’usines sont paralysées jusqu’au début 1920. Certes, les causes de ces mouvements tiennent principalement aux conditions déplorables dans lesquelles sont placés alors les travailleurs de ces établissements. La hausse des prix très rapide s’accompagne d’un accroissement autoritaire de la durée du travail ; le pain, la viande manquent et, souvent, les ouvriers de l’extérieur sont logés dans des baraquements. A cela s’ajoutent la « secousse liée à un déracinement qui s’est opéré dans des conditions dramatiques, la nostalgie du pays abandonné à l’invasion, l’anxiété quant au sort des familles3 ». Mais si la résignation ne l’emporte pas sur la volonté de lutte, malgré l’énorme pression nationaliste qui s’exerce (en jouant notamment sur la culpabilité par rapport à ceux qui sont au front), cela est dû aussi aux traditions de lutte collective cimentées depuis les combats de la fin du XIXe siècle.

Dans le contexte international révolutionnaire qui prévaut au lendemain de la guerre, l’effervescence est à son comble. Les grèves de 1919-1920 mobilisent en France des millions de personnes. Le 1er mai 1919, 500 000 manifestants défilent à Paris ; les affrontements avec la police font un mort. Tout au long de l’année, de multiples conflits se déroulent dans le bâtiment, le textile, la construction navale. Mais c’est surtout dans l’industrie métallurgique et chimique de la région parisienne que la mobilisation est massive. Le 1er juin, 150 000 personnes cessent le travail, la grève générale est évitée de justesse. L’année 1920 est surtout marquée par la grève des cheminots. L’arrêt total du trafic est décidé pour le 1er mai.



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